13.4.06

Parlez en à votre médecin

Ca pourrait commencer comme une de ces comédies musicales enjouées, où même le pompiste fait hello de la main, en secouant la tête.
Le putain de soleil qui sourit.
Gosse je dessinais comme un pied, le genre maison carrée avec cheminée qui fume en été.
Le seul truc que je réussissais, c'était le soleil souriant.
Ca me prenait un temps fou, je tirais la langue, très appliqué.
Une fois, à l'école pour me remettre du dessin que je venais d'accomplir j'ai demandé un whisky. J'avais 4 ans. De dépit devant le refus des dominants, j'ai fini par montrer mon zizi.
On ne peut pas vraiment parler de bite, à 4 ans.
La psychologue avait parlé de pulsion primale et on en rit encore benoitement aux réunions de famille.

Le rythme à 4 temps qui fait sauter a pieds joints dans la flaque juste devant soi.
Le clodo sur son carton, qui lève la bouteille de jaja bien haut, parcequ'on est vraiment phé-no-mé-na-lalalala (ad-lib).
Les doigts d'honneur aux automobilistes qui s'esclaffent.
Finir par un grand coup de latte pour faire tomber les grasses poubelles.
Si tu aimes ton prochain, tape des mains.
De préférence avec un objet qui fait saigner méchant.

"Bonjour, on ne se connait pas, mais nous faisons ce chemin ensemble depuis je ne sais trop ô combien de temps. Il se trouve que c'est notre dernière fois. Et c'est important les dernières fois. Vous le savez n'est ce pas ? Sans dernière fois, a quoi bon tout le reste ? Si vous le savez alors je suis rassuré. Je peux partir serein."

On était dans une de ces baraques typiques, sur un bout de rocher corse.
Loin de tout, histoire de voir ce qu'on pouvait sauver, au delà des apparences.
Toujours les même obsessions. La fenêtre sur l'apic. Le contrebas dechaîné, fracassé par les flots. Les souffrances de cette gonzesse de Werther.
On se faisait un peu chier à vrai dire, parce qu'il n'y avait plus rien à dire depuis un bon moment. Et puis aussi parce qu'il faut se les farcir les soirées dans les coins paumés en Corse.
J'en étais à ma deuxième bouteille et elle avait les yeux rougis.
On attendait juste en silence le coroner, qu'il puisse enfin déclarer la mort officielle de ce froid bout de viande.
J'avais un de ces téléphones de yuppies, payé à prix d'or pour prendre des photos sous les jupes des filles, histoire de rigoler à la machine à café, entre deux séminaires.
Accessoirement, Il jouait Aline en mélodie à 4 pistes, beaucoup trop lentement.
Lorsque les premières notes ont coulé, nous nous sommes mis à danser, là tous les deux, dans cette cuisine qui sentait le vieux propre, sur des tomettes fêlées, sans dire un mot.
On peut pas vraiment dire que c'était du sentiment, tel qu'on le débite à la tranche au rayon romance du Champion du coin, mais c'était ce qu'il nous semblait devoir faire en de telles circonstances.
Quelques pas de danse sur un air mièvre, à moitié bouffés par la nuit et les moustiques. Officialiser. Labelliser. Catégoriser.
Notre dernière fois.
Le morceau s'est terminé, elle a recommencé à pleurer et j'ai fini la bouteille directement au boulot.
On ne s'echappe pas si facilement de ses propres clichés.

C'est marrant que je pense à ça.
Enfin, que j'y pense précisement maintenant, une coupe tiède à la main, pendant l'éloge mou qui m'est fait pour tous ces si bons et loyaux services rendus au capitalisme moderne, fleurant bon le Vous allez nous manquer et le Bon courage pour la suite.

Juste le bon moment pour sortir sa bite peut-être ?

24.1.06

Happiness is a warm gun

Je ne saurai pas exactement expliquer mon métier.
Je sais que j'ai une tension artérielle supérieure à la moyenne des hommes de mon âge de plusieurs points.
Que mon téléphone sonne souvent.
Et que lorsqu'il sonne, c'est pour reporter une mauvaise nouvelle.

Nombre de gens ont pour métier d'être un interlocuteur plus ou moins courtois face aux tracas de la vie quotidienne.
Ils possèdent des manuels de procédures à appliquer et des listes de réponses toutes faites à fournir pour chacune des questions qu'ils seraient susceptibles de rencontrer.
Lorsqu'ils ne peuvent pas répondre en un temps satisfaisant, par manque de clarté ou de bon sens, ils escaladent la gravité du désagrement et le transmettent à l'échelon supérieur.
Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de réponse à fournir ou d'échelon à remonter.
Jusqu'à ce que l'anodin tracas au fil des passages de témoins se soit muté en une bête immonde que seule une balle entre les deux yeux est de nature à calmer.
Seul avec un pistolet à bouchon devant la charge furieuse d'un rhinocéros blessé.
Pour le prix d'un costard de marque.

Initialement je suis supposé manipuler quelques chiffres.
Dissimuler par ci, blanchir par là, quelques modestes clapotis indecelables à côté des lourdes vagues des croiseurs alentours.
Juste assez pour dormir sur ses deux oreilles.
Juste assez pour porter une cravate.

Mais il suffit d'avoir fait sensation au stand de tir de la fête foraine une fois ou deux.
L'avantage d'un groupe international, où l'on sait qu'il y aura toujours quelqu'un à l'autre bout du fil, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit.
Je décroche et j'écoute patiemment des gens paniqués me décrire maladroitement comment la fin du monde est arrivée hier.
Comment nous sommes morts sans que nous le sachions.
Comment l'on va s'en prendre physiquement à moi et aux miens.
Quand je dis patiemment, c'est une figure de style.
Pour le prix d'une montre d'orfèvre.

Une douce cacophonie de sonneries, un ramassis de winners à téléphone micro, un galimatias de babel.
Démêler l'écheveau pour en trouver noeud.
Ecouter, tirer doucement pour défaire la pelote et n'en faire plus qu'un petit tas de ficelle.
Téléphoner méthodiquement à tous les interlocuteurs et combler les trous.
Faire le lien, flatter les uns, menacer les autres, mentir à l'occasion.
Pratiquer l'accompagnement thérapeutique.
Renouer le dialogue rompu, lisser les petits caprices, les incompétences.
Ecouter juste ce qu'il faut pour endormir la confiance, le temps d'ajuster son son tir.
Gagner ce qu'il faut de temps pour loger correctement l'unique balle du barillet.
Pour le prix d'une voiture de sport.

J'en suis arrivé à un point où ma paupière palpite au son de l'appareil, où je ne compte plus les hallucinations liées au voyant lumineux du répondeur.
Où je filtre les appels masqués.
Où l'idée d'écouter la vingtaine d'appels en attente sur ma boite vocale me donne la nausée.
On peut imaginer la complexité que celà engendre pour les voeux du nouvel an.
Tout ça pour le prix d'un weekend avec un call girl.

Je ne saurai pas exactement expliquer mon métier.
Je sais juste qu'il me faudrait encore de ces petites pilules.
Et que le bonheur se trouve au bout d'un fusil encore fumant.

16.1.06

Je m'appelle Thierry

je crois aux signes, aux hasards un peu trop impromptus, à l'incohérence.
Humble devant ce que je ne peux pas comprendre.
Si la fin du monde est pour tout de suite, alors autant choisir un endroit confortable et apprécier pleinement le spectacle.
Je crois à l'insignifiance de nos existences.
J'ai appris à accepter à ployer devant des forces qui me dépassaient de tant que le sens même de ce mot n'en avait plus aucun sens.
Une résignation pragmatique devant l'étincelle surgie du ciel qui réchauffe la tribu dans les ténèbres.
Le sofuckinwhat du monolithe transformant l'os en outil.
Le regard navré du leader devant le rachat hostile de la société, en trois heures montre en main.
On finit par voir des schémas partout, du sens jusque dans le moindre verre d'eau.
Un mysticisme moderne, empreint de cohabitation fataliste avec nos nouvelles divinités modernes.

Je crois que j'ai même fini par accepter sans tiquer l'idée que l'une des dernières chances qui me tirera de ma modeste condition sera de décrocher la cagnotte au loto.
Il y a même parfois des moments où j'en suis totalement convaincu.
Nous sommes tous tellement si spéciaux, il suffit juste de découvrir sa petite lumière interne.
Ouvrir ses chakras.
Enfin, ce genre de conneries, quoi.
Sa petite graine à faire pousser, le talent caché, le quelque chose de si spécial qui ne demande qu'à être découvert et tout le merdier.
Viens donc me pousser la petite graine.

Pour ma part, les gens que je rencontre pour la première fois ont souvent l'impression de m'avoir déjà rencontré auparavant.
Je luis d'une sympathique aura de déjà vu.
L'avantage du single white male passe partout.
Du métrosexuel moyen forgé dans les canons lambas.
Mon talent spécial, c'est d'avoir une bonne gueule de con avec qui on aurait pu faire son service militaire.

J'ai arrêté de lutter contre celà et je l'accepte avec résignation.
Je me prête de bonne grâce à l'énumération pénible d'éventuelles connaissances communes, de potentielles rencontres précédentes.
Je ne bronche plus quand on m'appelle Thierry ou Schlomo.
J'opine spontanément en souriant.
Un oui est tellement plus simple et rapide qu'un non.
J'écoute patiemment leurs litanies, accepte leurs accolades.
Je détaille des endroits où je ne suis jamais allé.
Je complète des anecdotes rocambolesques qui me sont étrangères.
L'important est de créer de l'affect, des coups de coude complices.
De remplir un coin de la photo.
Après tout, ce que l'on recherche tous c'est un peu d'attention, quelqu'un pour qui celà importe.
Pouvoir s'appeller par des diminutifs intimes.
Après tout, on est tous le Thierry d'un instant.

Accepter d'endosser des vêtements d'emprunts, le temps de fouiller dans les tiroirs.
Respecter la mise en scène pendant qu'on extirpe de la terre meuble les cadavres fumants.
Se glisser entre les meubles à grands coups de soupirs sonores et gratter le vernis à s'en faire saigner les doigts.

Après tout, ce que l'on recherche tous, c'est exister.
Comme on peut.

Ce midi, alors que je tentais de me rendre autant que possible hors d'atteinte de l'alienation libérale organisée, j'ai croisé un cochon.
Un gros cochon noir, joufflu et couinant, qui se promenait sur le trottoir.
Une tache rose sale dans le gris mobilier urbain.
Quelques gouttes d'absurde au creux de la nuque de la réalité.
Lorsqu'il m'a aperçu, il s'est approché de moi et, tout en se frottant le long de ma jambe, a posé sa truffe poilue contre ma main, en redoublant de grognements.
Il venait de trouver son Thierry.

Celà fait bien longtemps que j'ai arrêté de me poser des questions.
Après tout, ce qui compte ce n'est pas forcément de vouloir trouver du sens à tout.
Se convaincre que nous sommes tous des Thierry si uniques.

9.1.06

Ideal standard

l'eau est froide depuis bien trop longtemps mais je n'en ai pas conscience.
L'important est ailleurs, dans les parcelles de peau morte qui se détachent.
Je ne ressens plus cette sensation glacée tant mon corps me brûle.
Rester sous la douche autant de temps qu'il sera necessaire.
Autant de temps qu'il me faudra pour se defaire de ce parfum lourd, de cette douceur léchante.
Frotter jusqu'au sang pour faire peau vierge.
Purifier à grands coups de crin.

A vrai dire, je ne l'ai pas remarquée tout de suite.
Tout juste ai-je buté sur son regard insistant, comme on bute sur le demi-ton au dessous d'une partition maintes fois jouées.
Un petit détail agaçant quasi imperceptible.
Un bout de chair entre les dents.

Je m'étais résolu face à l'hiver piquant à opter pour une barbe naissante, une coquetterie pileuse oubliée depuis une grosse poignée d'années et dont le roux sombre exaltait franchement ma judéité.
C'est comme celà qu'elle m'a reconnu, apparement.
Par cet exotisme subtil.
Il n'est pas interdit de ricaner.

Elle dont les talons vernis rythmaient les longues heures passées à étudier des modèles économiques teintés de libéralisme enjoué.
Sa poitrine aux seins lourds qui accompagnaient ses mouvements de main prenant des notes.
Ses cuisses gainées de nylon juste assez apparentes pour y prendre garde.
Ses pipes rapides à la lumière faiblarde de bouges entre deux portes battantes.
Cette vulgarité pompière échappée d'un roman érotique à pseudonyme, le genre qui fait bander dur les représentants de commerce égarés dans un hotel de province, lorsque la chaîne porno est en panne.
Cet abandon candide dans la luxure comme visa pour le bonheur Ikea.

Difficile au premier abord de faire le rapprochement avec cet expert comptable au sourire millimétré, portant un tailleur de sous marque et du doré un peu terne, ses lèvres trop rouges crachant des mots pompeux dignes de séminaires de reconversion pour cadres fatigués.
Qui pouffe aux plaisanteries de ses amis dentistes.

Difficile d'admettre qu'effectivement le temps ne passe rien, que le déclin n'est qu'une question d'instant, qu'il se complait à balayer d'un souffle la fragile alchimie des phéromones.
Sentir la poudre des dernières cartouches.
Remarquer le juste trop de fond de teint.
Les artifices usés d'un magicien d'anniversaire d'enfants.
Difficile pourtant de ne pas prêter attention aux cuisses gainées de nylon juste assez apparentes.
De ne pas faire son numéro de vieux beau à grands coups de yeux mi clos, la voix un demi ton plus grave.
De ne pas se retrouver dans le même lit.

Butch Cassidy et le Kid face à l'armée mexicaine.

Et puis faute de tonnerre de feu, s'emmerder.
Longuement, lourdement.
Douloureusement.
Au point de saisir les détails du Trop.
Prendre en plein visage toute la misère affective de la scène.
La décoration en toc.
Les cris surjoués.
Les photos familiales.
Les gestes un peu trop mécaniques.
La carte d'abonnement au club de sport.
Le doigt dans le cul.
Les étagères vides de livres.
Le parfum entêtant aux fragances synthétiques.
Le motif textile de petit chien.
La partition pornographique jouée juste un demi-ton en dessous.

Penser aux pharaons égyptiens qui cousent des scarabés vivants dans les yeux décavés de leurs opposants.
Penser à une fracture ouverte.
A une tumeur maligne.
A des vacances avec ses amis dentistes.
Penser à se raser.
Filer avant de devenir violent.
Avant qu'elle ne m'appelle par un surnom.

Constater, dans les vapeurs de la salle de bain, que la marque du pommeau de douche s'intitule Ideal Standard.
La force du détail en quelque sorte.

7.11.05

Slap your penis on the keyboard and hit enter

Peut être les médicaments.
Ou le manque de sommeil.
Ou cette parano poisseuse.
Ou le manque d'alcool.
Ou le changement d'heure.
Ou l'automne.

Oui, voilà, le temps.
Le temps et le climat social.
Le temps, le climat social et le maintien douloureux de Nice dans le milieu du championnat, au prix de tragiques nuls poignants.

Le fait est que je ne suis pas dans le rythme.
Systématiquement un poil en retard, rater sa sortie des coulisses, ramer pour revenir dans le jeu.
Le genre à en faire des tonnes pour donner le change.
Le rire sonore aux blagues de Toto.
Les yeux écarquillés sur les formidables plus values engrangées lors de transactions immobilières.
Le maniérisme boulevardier.

Nous sommes affalés, au milieu de cette fourmilière d'enfants braillards, geignants et morveux.
Des pépiements, des chutes, des cris, des pleurs.
Le jardin d'enfants, la plus grande promotion pour la vasectomie jamais inventée.
Difficile de garder son calme lorsqu'on se prend une poignée de corde à sauter dans les gencives.
De ne pas saisir le bambin par la cheville et le frapper sauvagement au sol.
Difficile de garder son calme lorsque son interlocuteur, un père de famille, notre parfaite copie conforme, nous balance dans les gencives les vertus de l'accession à la propriété, du mariage, de la paternité sans nullement pouffer.
De ne pas saisir son charmant bambin par la cheville et le frapper sauvagement avec.

Toujours ce battement de retard et finir par accepter l'invitation polie, en souriant, tout en tentant de fermer sa gueule au surmoi qui hurle au social traitre.
Donner les autocollants de sa barquette trois châtons à une mamie obèse, qui vote sûrement front national.

Accepter des cartes de fidélités pour faire plaisir à des vendeuses qui doutent, sourcil froncé, sur l'orthographe d'Eddie Murphy.
Accepter l'infâme presse gratuite en disant merci puis avoir les doigts qui brûlent de honte sur le papier de mauvaise qualité bariolé aux promotions exceptionnelles du jour.
Dire mécaniquement oui à tout sans réfléchir et se retrouver à taper des mains en chantant des chansons populaires.
Embrasser des abrutis embeaufisés à l'auguste façon des sous-préfets en visite dans les maisons de retraites.
Rire aux plaisanteries graveleuses tout en prenant conscience de façon terriblement aïgue du concept de l'expérience extra corporelle.

Peut être la pression.
Ou la mauvaise gestion du stress.
Ou une pulsion érotomane hasardeuse.
Ou la taxe d'habitation.
Ou la terrible polémique sur la bonne utilisation du terme racaille en milieu hostile.
Ou peut être le renoncement complice.
Ou bien le ...
Le temps de tourner la tête.
Même pas de quoi allumer une clope.
Même pas de quoi regarder une paire de bottes, histoire de satisfaire un semblant de libido.
Et me voilà encastré dans la voiture de devant.
Afficher un sourire navré au lamentable "c'est donc vrai que fumer tue !" de sa passagère.

Laissez moi juste le temps de trouver quelque chose à enfoncer au fin fond de la gorge de cet abruti qui rigole, là, derrière moi.

30.10.05

Pusillanisme

Je dois avouer que je suis partagé.

D'ailleurs, lorsqu'on y prête un tant soit peu attention, partagé est un mot intéressant.
Avoir un avis si peu assuré qu'il épouse de fait les deux facettes d'une même médaille.
Enfin, c'est ainsi que je m'en définis le sens.
Ne pas savoir s'il faut en rire ou en pleurer.

On ne se rend jamais vraiment bien compte, d'ailleurs, du sens caché que revêtent les mots que l'on emploie, de l'implication qu'ils demandent et qu'on endosse inconsciemment.
Le témoin et ses couilles latines, le travail et ses trois pointes, latines également.
Signer des chèques en blanc à de subtils mécanismes ancestraux avec désinvolture et gaucherie.

Bref.

J'étais donc vaguement affalé devant l'écran, ingurgitant passivement ce flux lénifiant d'instants factices de procuration que nous vivrons jamais.
Celà devait être vulgaire, ou indécent, vraisemblablement les deux, enfin toujours est-il que pris par des contraintes bassement matérielles, j'avais manqué le mouvement cathartique qui finissait d'irradier à l'écran et ma curiosité titillée éprouvait l'impérieux besoin de savoir de quoi il avait bien pu en retourner.

Naïvement et dans un pur élan candide, j'ai alors appuyé sur le bouton de marche arrière de la télécommande.
Théoriquement en vain, puisque je ne suis en aucun cas nanti d'un mécanisme d'enregistrement en mesure de répondre à une telle attente.
Je voyais cela plutôt comme petite blague à usage intime, comme lorsqu'on s'emploie à méticuleusement dissimuler ses clefs pour le prochain moment urgent à venir.
Quelle ne fût pas ma stupeur lorsque, loin de rester inactif, le poste de télévision remonta sagement le fil de l'émission pour rejouer avec aisance la scène souhaitée.
En soi, certes, rien de révolutionnaire.
Disons, un mécanisme subtilement dissimulé, auquel on avait jamais vraiment prêté attention ?
Comme la course du dératé, comme le baragouinage breton.

Ce qui m'a vraiment frappé, c'est mon émerveillement sincère devant ce que j'ai pris durant quelques instants pour un pur moment de magie.
Une faille de la réalité dans laquelle on s'insère avec délice.
Sauter par la fenêtre, un parapluie à la main.
Mettre son doigt dans le canon d'un fusil.
Pendant quelques clignements de cils, une demie seconde tout au plus, l'enthousiasme de croire qu'il était possible de remonter le temps, qu'il était possible de reprendre ces scènes de nos vies que l'on a lamentablement foirées, celles que nous rejouons inlassablement dans nos têtes.
Revenir dans le temps et avoir les bons mots, le bon geste.
Investir le Deus ex machina qu'il nous arrive d'implorer parfois jusqu'au dernier souffle.

Juste l'espace d'un mouvement de paupière, ressentir l'un des moments les plus heureux jamais vécu depuis longtemps.
Juste le frisson d'une légère pointe d'adrénaline déjà disparue.

Un battement de coeur en moins à effleurer l'inexorable.
A caresser la complexité subtile du quotidien et la désinvolture avec laquelle on s'acharne à la bafouer.

Ne pas savoir s'il faut se dépêcher d'en rire avant d'en pleurer.

Partagé.

23.10.05

D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais aimé me battre.

Des terrasses de cafés, des arrière salles de restaurants.
Des salons douillets, des bords de mer.
Des lits pliants mal huilés, des matelas mousse partagés l'espace d'une poignée d'heures.
Et toujours donner un faux nom.

Tout plutôt que rentrer.
Le transit, mode de vie.
Tenir jusqu'aux premiers battements de la ville à l'aube.

Retourner son répertoire, appeller de vagues connaissances.
Composer des faux numéros. Rappeller d'obscures inconnues.
Avaler les kilomètres comme autant de pilules vers l'oubli.
Agrippé aux tables alors que glissent les rideaux d'acier.
J'ai de l'argent.
J'ai même de l'argent chinois, roulé en boule quelque part.
Je peux payer.
Vous ne me ferez pas bouger.

Le frigo vide, l'appartement en bataille, la boîte aux lettres ras la gueule.
Prétendre que le temps n'a pas de prise, que je ne suis pas là.
Somnoler quelques instants, juste assez pour recommencer à courir à en perdre haleine.
Reprendre le marathon.
Une course contre moi même.
Contre la bête tapie qui grogne et réclame son dû.

Prétendre que l'on a pas perdu une miette de la conversation.
Réfréner un hoquet de nausée.
Des femmes à la mâchoire collée par des injections de botox qui narrent avec force détails la séparation d'avec leur second mari.
Des hommes couchés sur le comptoir qui égrenent patiemment la lente dégénérescence de chacune de leurs cellules osseuses.
Flatter des inconnus sur des clichés écornés tirés en mat 10x15
C'est juste une question de patience.

"- Ca te va bien la barbe.
- Ne parle pas, tu te déconcentres. Continue à tirer et surtout vise la tête.
- Celà fait des heures que nous jouons.
- Nous resterons tant qu'il y en aura encore un debout.
- Tu prends peut être tout celà un peu trop à coeur. Après tout, ce ne sont que des zombis virtuels.
- Même virtuels, ces gens comptent sur nous, nous sommes leur dernier espoir.
- Il doit sûrement y avoir une autre solution ?
- Je suis convaincu qu'il n'y peut y avoir de meilleure solution que des mains meurtries aggripées sur une arme encore fumante."

17.10.05

Des taches sur les poumons

C'était évident que nous étions coincés dans ce hall depuis bien trop longtemps.
Il fallait être aveugle ou idiot pour ne pas en prendre conscience.
Ou vaguement dépressifs.

Et pourtant, fidèles, nous étions présents pratiquement chaque soir, sans raison particulière je crois, à toujours ressasser les mêmes thèmes, vacillant sur l'exercice périlleux qui consiste à extraire jusqu'à la pulpe du sens du moindre non-évènement.
Histoire de tuer le temps.
On parlait football, entre deux absinthes.
On parlait de sujets qui nous semblaient consensuels.
Pelant les aspérités, par souci de clarté.
Allongeant, délayant ce qui rencontrait un tant soit peu d'écho.
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, n'est ce pas.
Un doux ronron lénifiant entrecoupé par le goutte à goutte de la distilleuse.

Ce n'était pas tout à fait un hall à proprement parler, d'ailleurs.
Dison plutôt une salle.
Une pièce dans un bar d'hôtel.
Propre et feutrée.
Le genre à avoir des bougies, De la moquette au sol, sur les murs.
Et de la moquette certainement au plafond.
Un hôtel d'hiver aux pensionnaires retraités, un de ces hôtels qui affichent complet par tous temps.
Des retraités méritants, mûs par les derniers rayons tièdes et hospitaliers d'un climat bienveillant, au prix de patientes économies.
Des gens biens de leurs personnes, qui parlent trop fort et digèrent mal.
Des vies ordinaires aux portes de l'obscurité.
Qui s'émerveillent sur la dorure des lambris.
Un discours tellement lustré qu'il brille à nous en renvoyer notre propre image.
Juste là à attendre.
Juste las d'attendre (applaudissements).

Nous et notre armada de retraités en transit à tenter d'établir un contact poli.
A explorer patiemment quelles formes extrêmes pouvaient revêtir la convivialité lorsqu'elle est de circonstance.
Car finalement c'est celà et rien d'autre.
Discuter du temps l'air pénétré en attendant patiemment son tour.
Prétendre faire fi des différences, histoire de se sentir moins seul.
En chier jusqu'à la nausée pour finir entouré de moquette pourpre.
Gagner au quizz hebdomadaire sur l'Egypte pharaonique et aller se coucher.
De grandes enjambées pour finalement ne plus se rappeller quelle place on occupait la veille.
Ecouter poliment des divagations séniles approuvées par la majorité.

Sans oublier cette peur panique, diffuse, qui suinte au point d'en détremper la moquette en de larges tâches noirâtres.
Discrètement, pratiquement au rythme des gouttes dans l'absinthe.

Comment voulez vous que l'on continue à y croire avec candeur ?

Nota bene :

Merci à ceux qui ont remarqué.
Même indirectement.

Alors que je cherchais une sentence définitive, un fin un peu à la Despentes, le genre qui place des lyrics de groupes post trenta, la seule chose qui me soit vraiment venue en tête est extraite d'une chanson des L7 (qui curieusement n'a aucun rapport avec les L5):

"They can't hear a word we've said
When we pretend that we're dead"

On ne lutte pas contre les chansons de son adolescence.

19.9.05

Oh mon D.

Il y a des rumeurs qui, lorsqu'on se trimballe une bonne fièvre carabinée, font l'effet d'un coup de masse derrière la nuque.

Non.
Vraiment.
Les mots sont de trop.

[edit]
So we're stuck with the remake by another Director of the original Evil Dead. Bruce Campbell still has a great sense of humour about it all though:
He joked about having Ashton Kutcher direct and star in the remake, and that if Kutcher wasn't available they'd try to get Ben Affleck, since Ben Stiller or Owen Wilson had already declined.

Ok.
J'arrête le rituel du seppuku.
[/edit]

13.9.05

28 Jours après le bouillon de 11 heures

Via Raw Feed, une question posée par the Memory Blog [en] relativement interessante à creuser :

Suite à la récente tempête, quid des divers biolabs de niveau trois présent sur le sol de Louisiane ?

"Tulane University runs the Tulane National Primate Research Center, a cluster of Level-3 biological labs containing around 5,000 monkeys, most of which are housed in outdoor cages. [...] Tulane scientists are working with anthrax, plague, and other biological weapons agents."

Même si le ton de l'article est légèrement parano et capillotracté, la question reste légitime.

A quand des meutes d'animaux sauvages contaminés déferlant sur les rescapés ?

Pendant ce temps là, on identifie un virus proche du SRAS chez une chauve-souris sauvage, et la Fox planche sur 28 semaines de chaos de plus en 2007.

Je suis bien content d'être de retour, je vous le dis.

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