27.6.05

Le sevrage

Un étranger gargouille avec un accent ridicule des choses comme "arracher la mâchoire à coups de pierre".
Des choses comme "petite mort", comme "suprême jouissance".
Comme "battre sa femme".
Il fait frais, la climatisation du compartiment fait mollement son office.

Le ton haut perché, des sonorités rondes.
Son piercing sur la langue qui lui mange la moitié des mots.
Ses barres de fer qui infectent le travers de son bras.
Ses lunettes noires un peu tordues.

Un peu comme si une des marionnettes du Muppets' Show se mettait à blasphèmer devant un parterre d'enfants.
"Waldo et Bert vénèrent Satan, ce soir sur Canal Juniors, restez avec nous"

Au final, il semble statuer que le nombre idéal de coups c'est deux.
Tout le monde semble d'accord.
Enfin un sujet consensuel.
Le sentiment d'être un peu moins con.

Une notion du temps amoindrie.
Bondir des distances prodigieuses le temps d'un clin d'oeil.
Etre subtilement étourdi, le temps de résorber la violence du choc.
Confondre les heures, les jours, les prénoms.
Faire semblant de comprendre.
Et surtout, rire au bon moment.

Ils ont toujours ce petit mouvement des sourcils sur lequel on peut se caler, juste avant.
Se concentrer à en grincer des dents.

" - Le trafic de sous vêtements. Le jackpot assuré.
- Mais on ne pourrait pas les garder au lieu de les revendre ?
- Il faudra simplement graisser la patte aux mafias locales.
- Mourir pour des strings.
- Si tu te sens prêt pour le trafic de médicaments, tu n'as qu'à le dire.
- On ne pourrait pas simplement se cantonner à la spéculation immobilière sur le dos de prolétaires naïfs ?
- Tu oublies le Prestige Occidental."

Forcément en retard.
Comment pourrait il en être autrement ?
Se donner rendez-vous devant une église, vraiment.

Toute cette poésie sensuello-érotique sur le sentiment amoureux.
Toute cette prose qui parle de bouton doré, de soubresaut de jouissance, de sueur nacrée.
Tous ces vaines tentatives avinées qui vantent l'étreinte suave et le souffle rauque.
Toute cette poésie de merde.
"Et ma caresse chaude lui procurait des frissons incontrollable de félicité".
Amateurs.

Arriver en retard sur le parvis d'une église et prendre querelle.
Arriver en retard et entrer dans le surréalisme de plain pied.
Lever la voix et se faire accompagner par les premières mesures du Requiem de Verdi.
Jurer, vider son âme, lever le poing, oublier les badauds.
Et les choeurs de hurler en fond sonore.
Prendre l'air mauvais, en sueur de sa course. Menacer.
Vider.
Evacuer le trop plein.
Et les voix de continuer à psalmodier leurs incantations.
Toute la déception d'envisager pouvoir retrouver son calme un instant.
Bouton doré. Laisse moi rire.

Des femmes nues à perte de vue. De toutes tailles, de tous âges.
Nonchalement alanguies le long de pontons lustrés.
Des bateaux répliqués à l'infini, sagement alignés, tous supposer abriter une même fragile intimité subitement exposée aux yeux de tous.
Des étals de chair fraîche, clairement délimités par d'invisibles frontières seulement violées par un poisson lune à la surface de l'eau.
La moitié de visage balafrée, il effectue d'interminables roulades, comme en quête d'un éventuel baume prompt à guérir sa plaie.

" - Petite merde, je vais te péter ta sale petite gueule, ça ne va pas faire un pli.
- C'est vraiment émouvant de te voir paterner.
- Fais moi plaisir, ose me gerber juste encore une fois dessus.
- Il est proche de sevrage à présent, il va passer aux biberons.
- Déjà ? Tu veux dire qu'en si peu de temps on peut développer un sadisme anal qui durera toute la vie ?"

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