18.1.05

Martine aux services secrets


L'empire du Mal pouvait compter sur des alliés partout

Discuter livres n'est pas un exercice auquel on se prête de bonne grâce lorsque son interlocuteur se trouve être un individu avec lequel on vous force à travailler 9 heures par jour.

Certes, on est jamais à l'abri d'une bonne surprise, mais il faut souvent se contenter d'un service minimum, approximativement à la hauteur de celui que s'apprêtent à nous fournir les transports publics demain, c'est à dire quelque part entre Harry Potter et le Code da Vinci. On va pas râler non plus.

Quoique.

Je repense encore au visage empourpré de cette quadra sur le retour qui tentait de cacher ses éclats de rire d'enfant gêné à la lecture de la couverture du "journal d'un vieux dégueulasse" de Hank.
Elle avait refusé que je le lui offre, d'ailleurs, prétextant qu'elle n'aurait pas le temps de le lire, parce qu'être une femme libérée, tu sais, c'est pas si facile.

Dès lors, il nous aura fallu le truchement malencontreux du dvd de fight club égaré sur un rayon et l'enthousiasme quelque peu appuyé de la part de ce brave père de famille au sujet de ce film pour que je me hasarde à lui suggérer tout le bien que je pensais de Chuck Palahniuk et que je lui propose de découvrir ladite histoire dans sa forme première et originale.

Apparement touché par le geste, et en un hommage inconscient aux pratiques de troc des premiers colons du nouveau monde, il accepta ma proposition et insista pour me prêter en échange "Rainbow Six" de Tom Clancy.

Deux tomes, 1200 pages.

Si c'était pas bien fait pour ma gueule, en tout cas, ca y ressemblait très fortement.

Me voilà donc embringué dans des aventures d'espionnage mièvre, sur fond de ... comment ils disent déjà ?
de techno thriller ?

Ceci dit, c'est un deal honnête, je lui fourgue les futurs auteurs beaufs de la génération X et il me refile les siens. Saine étude anthropologique réciproque. S'il faut, il s'est même foutu de ma gueule et moi, comme un con, j'ai foncé tête baissée dans le panneau.
Pourtant, je sens bien que ça lui fera plaisir en plus, que je lui donne mon avis sur cet auteur de référence qui nous a pondu des perles telles qu'"A la poursuite d'octobre rouge" et "Les russes, ces sales cons", oeuvre mineure restée originale jusqu'à présent.

Ca la fout un peu mal, le matin dans le train, lorsque je sors
devant tout le monde ce gros pavé qui suinte bon l'hormone et le terroriste allemand. J'ai l'impression de lire Detective ou Missile Magaszine à voix haute.
Au moins avec les SAS, la couverture rajoutait une petite touche exotique qui aidait à mieux faire travailler l'imagination.
Mais là, la couverture montre une seringue au contenu verdâtre, et à part tirer au pistolet, taper sur des terroristes après moults échanges de codes abscons, courir des kilomètres à l'entrainement et savoir qui possède la plus grosse arme de poing, on peut pas vraiment dire qu'ils rigolent beaucoup les gars du rainbow six.

Des militaires qui ne jouent jamais à la belotte et ne chantent jamais la quille à tue tête, je trouve ça un petit peu louche, en fait, personne ne peut y croire.

Mon quotidien se trouve donc agrémenté d'actions chronométrées à la seconde près, d'impacts de balle tapant deux voire trois fois au même endroit, de crême de héros des plus grands services secrets de la planète.
Ce style pompier, ces trames transaparentes, cette si subtile mécanique, tout ceci commence à déteindre vaguement sur moi. Me voilà à lancer des regards appuyés dans diverses directions avant de me déplacer, inspecter méticuleusement des nouveaux lieux inconnus, calculer mentalement le temps qu'il me faudrait pour désarmer de son parapluie ma voisine de compartiment.

Et je cours.

Tout le temps. Sans raison. D'un point à un autre. Toute la journée.
En essayant d'avoir la machoire la plus carrée possible.

Ce soir, alors que la pluie commencait à tomber, je sentais bien que cette nouvelle mission n'allait pas être du gâteau. Sauver les otages allait s'avérer plus difficile que prévu et il s'agissait de faire vite et bien. Le président comptait sur nous. Il fallait être froid et définitif comme la mort.
Une fois la mission remplie, une bonne séance d'entraînement nous attendrait au camp.

De ce fait, le bruit sourd n'en fut que plus spectaculaire.

Comme un gong. Dans un lourd ralenti. Des étoiles, un aiguille à tricoter qui vrille le crâne, une lourde chute, une vague perte de conscience, de la confusion, des cris tout autour de moi.
Un fondu au noir.

L'ennemi avait frappé le premier, en traître.


Je venais de me prendre de plein fouet un panneau de 'céder le passage' en pleine tête, aveuglé de me presser sous la pluie.
Net et sans bavure.

Touché fatalement en pleine mission de service commandé, je me préparai à présent à rejoindre une petite croix blanche au cimetière d'Arlington, anonyme au milieu d'une mer de silence.

Tombé au champ d'honneur du techno thriller.


17.1.05

Dans l'espace profond, personne ne vous entendra hurler


Lasciate ogni speranza

Il y avait quelque chose d'improbable à ce samedi.

Se retrouver comme ça, sans précaution particulière, au beau milieu d'une foule furieuse en plein déballage des soldes, rien ne m'y aurait préparé. Et pourtant, à la fête de la bière, je ne suis pas le dernier.

J'étais parti, candide, acheter une modeste paire de solides souliers en vue d'accomplir ma rude tâche d'ouvrier servile et ainsi obtenir à la fin de l'an les félicitations du contremaitre sévère mais juste, tout en tenant entre mes mains maladroites mon couvre chef sali par les poussières radioactives.

Au final, je me suis retrouvé propulsé en ultime tenant de la civilisation moderne, à lutter contre des hordes de succubes ayant massivement franchi le dernier portail.

Je n'ai pas d'avis particulier sur les soldes, je suis même pour, je crois.
J'ai un splendide costume de velours mauve tendance Austin Powers pour en témoigner.
Mais, dans mes souvenirs, les soldes se situent dans des magasins de marques qui consentent sous la menace à finalement lâcher de minables rabais sur des articles maintes fois détrempés par l'écume perlant des babines des Amis du Peuple lourdement aveuglés par la propagande de masse.

Alors que non.

Les soldes survivent à la Zone Industrielle.

Ayant accepté, indéniablement par faiblesse et sur la promesse de paradisiaques surprises dont je me questionne encore quant à la pertinence avérée, de me rendre dans ces algecos débités au kilomètre et rappellant furieusement les villes fantômes du far wast version décors de plateaux de cinémas, je me retrouvais de facto en ce samedi matin sur un parking humide, la vapeur aux lèvres, rejoignant la cohorte des ombres déjà nombreuses en ces heures improbables.

Une étuve infernale qui se plaque au visage à l'ouverture des portes. Des torrents de chair qui se déversent avidemment sur la moindre pièce de tissus siglée. Des harpies fondant en nuées sur des éclats de verroterie félée. CHIENS ET CHATS COUCHANT ENSEMBLE. LES MORTS SE LEVANT DE LEURS TOMBES. Rien ne peut préparer à ça. Il faut avoir en tête ces deux secondes de ralenti où l'héroique pompier ouvre cette porte piégée dans Backdraft pour réellement prendre la mesure d'un tel tableau.

Ici parlent l'instinct de survie et la force brutale disproportionnée. Ici les dieux réclament du sang de vierge et des viscères fraiches. Ici est fait matière de l'Enfer sur Terre.

Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir.

Alors, terrassé par un combat dont je ne pouvais être que perdant d'avance, j'ai repoussé la lourde porte massive, échine courbée, soufflant centimètre après centimètre gagné contre le Malin. Puis j'ai patiemment scellé les neuf sceaux qui n'auraient jamais du être brisés. La malédiction était contenue, pour combien de temps alors ?

Dans le cul, la halle aux chaussures !

Je peux vous dire que j'ai fait sensation ce matin, avec mes sandalettes de plage en plastique.


16.1.05

Bigre !

"Un message surtout m'a frappé. Phil Asner, un vieil ami de poker de Johnathan Dante, ex-producteur de télé jadis célèbre. Son chagrin, ses sanglots semblaient profondément sincères. Mon père et sa langue de vipère avaient brisé leur amitié. Dante avait un don diabolique pour découvrir le point faible des gens, il attendait l'instant vulnérable et cognait dessus à la hache."

Dan Fante in "les anges n'ont rien dans les poches"

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