13.12.04

Grosse promotion sur les madeleines


Une bouteille de bière sur un mur...

Cet exercice qui consiste à atténuer autant que possible les conséquences du vol de mon CD case en faisant fonctionner l'internationale acouphènique nous conduit d'ors et déjà à une amère conclusion : je ne pourrai pas tout remplacer facilement.

Bien sur, il y a les têtes de gondole, dont on ne soucie guère.
Cela a du bon en soi de devenir la masse montante.
On peut facilement mettre dans le canot de sauvetage les Nick Cave, PJ Harvey et autres Portishead.
Même les Pavement, je les vois pas trop finir noyés dans l'eau glacée.

En revanche, les petites constructions artisanales, les musiciens un peu plus fragiles, les chansons de bric et de broc, on se surprend à en redouter la disparition définitive, chaque tentative infructueuse prenant de plus en plus des allures d'acharnement thérapeutique.

De ces disparitions, je tire la constatation étrange que je me souviens bien plus des endroits et des gens qui ont partagé la vie du disque que du disque lui -même.

Quand je repense à Mojo Nixon and Skid Roper par exemple, modeste petite cuisine rockab tendance bayou avec rythmique sur planche en bois, je ne peux pas m'empêcher de penser au vendeur qui me l'avait cédé.
Une énorme masse huileuse brune avec une tête de tueur et les mains enfoncées au fin fond de ses poches.
Il commentait religieusement chacune des galettes extirpées, citant année, producteur et label. Je me souviens qu'il m'avait parlé d'Oingo Bongo et qu'il s'adressait à un ami imaginaire.

Je me rappelle avoir acheté le Mike and Rich principalement pour sa couverture et puis parce que c'était Richard D. James et qu'on ne rigolait pas avec ces choses là dans le temps. Je ne parle même pas de µ-Paradinas. On écoutait ces morceaux dans la caisse pourrie de S. quand elle a percé son reservoir sur une route perdue de montagne, un vendredi dans la nuit.

Le live de Shellac, je ne sais plus trop où je l'ai pris. Je pense que cela devait être du coté de Saint Mark's. Un album tout en carton, dans un leger emballage de tissu et des notes rajoutées frénétiquement au bic dans le plus pur style des plans secrets de Basquiat.

Et puis il y a cette compilation Tricatel que j'avais récupérée du côté de Greenwich, dans un magasin qui passait Ring My Bell à un volume bien trop fort pour être honnête. Je me souviens avoir été pris d' une bouffée de panique lorsque tout le monde dans le magasin s'était mis à chanter et danser frénétiquement durant le refrain., sachant que la moitié de la faune semblait tout juste sortie de prison.

Et mon Spy versus Spy de John Zorn aussitôt dédicacé par l'Homme en personne un beau matin de février, dans son magasin, comme ça, devant un café. Un peu comme le boulanger qui vient servir à la caisse en s"essuyant les mains sous les aisselles.

Et bien sûr, tout ceux ci au hasard d' autres.

Je doute que les mecs parviennent à en écouler beaucoup, et même s'ils y parvenaient, à la limite, on peut se dire que l'acquéreur sera un petit veinard; mais ces quelques drôles de soirées passées à méticuleusement faire l'inventaire des pertes m'ont laissé
mi cafardeux mi nostalgique, un peu perplexe de ce temps qui s'écoule et qui va se loger dans ces petites failles insoupconnées pour mieux nous asperger le moment venu.

Depuis , je me suis mis à collectionner les emmerdes,
c'est beaucoup moins contraignant.



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