13.1.05

Jour après jour


Juste après le déluge, penser à Turner vers la lumière.

Ce matin, en me rendant au transport de masse, j'ai croisé de vue un couple, sur l'autre trottoir.
Rien d'extraordinaire, jusque là.
Je me mouchais et en levant la tête, les voilà présents dans mon champ de vision.
Un couple comme un autre, de ceux qui se tiennent par la main et marchent sereins.
Tout çà.

Sauf que quelque chose n'allait pas.

Elle, avait une coupe de cheveux qui faisait penser à celles qu'on pouvait voir dans les séries des années 80, quand Sue Ellen buvait trop et que décidément, non, ça ne pouvait plus durer.
Lui, portait une casquette un peu trop enfoncée sur la tête et ses joues mal rasées étaient creuses.
Elle trimballait une sorte de vieux bas de survêtement blanc, qui ressemblait à un pyjama.
Ils marchaient lentement, à un rythme qui faisait penser à un couple du quatrième âge.
Elle lui tenait le bras, un peu fragile, un peu paumée.

Un couple de vieux jeunes ou de jeunes vieux. Trop kitschs pour être honnête.

Des gens qui se prennent un tournant confortable et douillet derrière les oreilles sans s'en rendre trop compte.
J'en étais presque à espérer qu'un quelconque décès les ait frappé dans leurs vies, afin de pouvoir accrocher une raison cohérente comme explication à cet étrange tableau.

A les voir, la seule chose qu'on pouvait leur souhaiter c'est qu'ils passent leur vie ensemble,
tellement çà ne sentait déjà plus la vie,
tellement çà ne sentait déjà plus l'amour,
tellement çà sentait la résignation.

A les voir, cependant, je me suis surpris à penser que celà aurait pu être moi, le grand maigre.
En fait, celà aurait du être moi.
Le grand maigre à la casquette vissée, là, il était à ma place.
Cette dame un peu vieillissante, au regard éteint et à la coupe démodée, c'était Toi.
Toi que j'avais quittée à l'époque déjà parceque tu marchais si lentement.
Tu n'avais pas compris, je crois.
Je ne suis même pas certain d'avoir compris, moi.

Toutes ces années à vivre tous les deux dans le même quartier pour finalement se croiser ce matin.

Drôle de sensation. De la plénitude, du soulagement, un peu de déception peut-être.

Et pourtant.

J'ai bien du mettre dix minutes à réaliser que je tenais toujours à poing fermé, jointures blanchies, le mouchoir avec lequel je me mouchais en vous voyant.

Dans le train, le soleil rasait la mer que nous traversions tombeau ouvert.
J'étais partagé.
Pas la peine de se demander pourquoi il n'y a plus de miroir chez moi.
Si tu es cette femme au non-âge, que suis-je devenu alors ?

Et puis du reggae surgi de nulle part s'est déversé dans le compartiment.
Un des employés du train s'était autorisé une petite fantaisie matinale.

Et tout semblait soudain tellement si parfait. Si préparé.
Des sourires se sont mis à poindre de ci de là.

La journée pouvait commencer.

J'ai souri aussi, je crois.

"Don't break this heart that loved you and neither tear it apart" en effet, comme ils disaient dans la chanson.



1 Comments:

Je m'en fous, t'facons, j'ai un briquet extincteur qui fait de la musique.

By Blogger Découper selon les traits, at 9:00 AM  

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