27.1.05

La valse à mi-temps


L'or coule à flots.

Je ne pensais pas que mes flâneries me mèneraient en de tels lieux.

Une fête foraine. Une de plus.

J'ai un drôle de rapport avec ces endroits.
Très souvent en effet, lors de promenades anodines, il m'est arrivé de me retrouver égaré au beau milieu de ces baraquements itinérants, toujours situés en des endroits incongrus.

A croire que nous avons rendez vous, eux et moi.
Que s'y trouve un message au sens profond que le Destin s'acharnerait à vouloir me faire comprendre.

Du souvenir des fêtes foraines de mon enfance, je garde en tête des cris hystériques, un mouvement perpétuel, de la joie absolue.

Du constat de la réalité qui me fait face, je suis un peu plus mitigé.
La plus belle fête foraine que j'ai pu rencontrer était à Coney Island, en ruine, on pouvait y trouver un grand huit à l'abandon, rouillé, à mi chemin entre les quartiers russes de Little Odessa et la mer polluée de l'Atlantique.

C'est triste, en fait, une fête foraine.
Que dire alors d'une fête foraine vide.

Ce qui frappe avant tout c'est cette impression de vide. De l'espace à ne plus savoir qu'en faire.

On déambule à travers les stands, entre les mauvaises copies de peluches, les canards nageurs en plastique, le tir à la carabine, à l'arc, à la boule de sciure.
Les manèges qui tournent à vide.

Au loin, un immense manchon à air, représentant un bonhomme au chapeau de clown, est balancé mollement de gauche à droite. On dirait qu'on lui a brisé les jambes et qu'il se démène pour tenter néanmoins d'avancer. Il est ridicule, dans sa stature hésitante qui fait du sur-place.

Les forains, eux, sont assis résignés, le regard vide.
Ceux qui ont un dernier sursaut d'orgueil emploient des méthodes à la limite de l'aggressif, dans l'espoir vain de capter l'attention du pauvre badaud égaré.

Cette musique tonitruante sur des accords faciles, ponctuée de courtes mélodies échappées de machines electroniques, cette odeur lourde de nourriture qui pénètre jusqu'aux pores de la peau, ces fresques grotesques aux couleurs aveuglantes censées vanter l'exhaltation du grand frisson, Ces néons bariolés capables de rivaliser avec les étoiles.

Tout celà m'a fait repenser à cette soirée sur la plage, dans un de ces restaurants boites de nuit à entrée contrôlée, où l'on exhibe la profondeur de son âme à grands coups de black american express, entre deux danseuses dénudées et huilées.

Elle, elle tranchait carrément dans cette faune. Totalement incongrue.

Accusant vraisemblablement la soixantaine, elle avait une silhouette et une coupe de cheveux qu'on rencontre sur les concierges des films policiers des années 50. Petite, ronde, une coupe péroxydée, elle portait des vétements de très mauvais goût aux couleurs aveuglantes.

Son maquillage était bariolé, capable de faire honte aux étoiles.

Elle allait sur la piste de danse, où ses mouvements était à la limite de l'aggressif dans l'espoir vain de capter l'attention d'un pauvre badaud égaré, puis s'en retournait s'asseoir à sa table seule, résignée, le regard vide.

Ce manége tourna à vide un bon petit moment.

Alors j'ai traversé tout cet espace entre nous dont on ne savait que faire et je l'ai invitée à danser.
A croire que nous avons rendez vous, elle et moi.
Son lourd parfum exhalait tant qu'il en pénétrait jusqu'aux pores de la peau.
Ce n'était rien pour moi.
Le temps que nous avons dansé, il me semble avoir ressenti l'exhaltation du grand frisson.
Etait ce elle ou bien moi ?


Je n'ai pas dansé avec elle. Que vous êtes crédules.
Moi, j'étais au loin, mollement balancé de gauche à droite, les jambes brisées, n'osant pas avancer.
Ridicile dans ma stature hésitante qui faisait du sur-place.




1 Comments:

Raf : ce en quoi tu me surpasses puisque je n'étais pas certain moi même de savoir où je voulais aller.

Soigne bien ta grippe.

FP : d'où que tu me traites de clown, OWH ?

By Blogger Découper selon les traits, at 6:31 PM  

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