23.1.05

Ladies and Gentlemen, the king has now left the building


Nous sommes tous si uniques.

Je crois que ça a commencé à déconner Mercredi dernier.

L'étreinte des crocs de la bête nichée dans mes boyaux s'est soudain faite plus aïgue et mes mains ont recommencé à trembler.
Rien de franchement décelable, bien sûr.
La journée a continué normalement, on pouvait peut être saisir parfois un regard inquiet de façon fugace.

Il se trouvait que le soir même, nous avions, une fois de plus, un départ à célèbrer. Petits fours et champagne frappé. On ne pouvait mieux tomber.
Alors j'ai bu, juste ce qu'il faut pour que je fasse montre d'une virilité à même de pouvoir assurer mes talents de force vive.
J'avais une cigarette à la main, sans trop savoir comment.

Et puis je me suis ensuite retrouvé dans ce gastronomique, aux pierres apparentes et à la cheminée qui crachait de l'enfer, en compagnie de cette affriolante attachée parlementaire. De l'alcool mondain. Des bougies parfumées, du Monsieur et de la carte des mets sans prix.
Et surtout ces bouteilles grand cru, tellement apaisantes.

Le séminaire du lendemain, dans un chateau 4 étoiles, avec des décideurs à gros budgets, était subitement plus laborieux.
Paumé au milieu de cette faune, avec ma gueule de bois et ma barbe naissante, je me souviens que je tentais tant bien que mal de réprimer de sévères baillements alors que le chargé régional des ventes s'escrimait à établir un contact intelligible. Peine perdue.
Je crois bien avoir été le seul à remarquer les mains légèrement tremblantes de l'intervenante au tailleur strict et je crois bien qu'elle à été la seule à remarquer la façon poussée dont je regardais ses jambes.

Un partout.

Au volant de la voiture, de retour aux bureaux, la radio cracha "bittersweet symphony", cette saucissonade de violons qui exhale à quel point il est possible de changer face à cette mascarade douce amère.
La chair de poule qui m'emplit devint rapidement douloureuse et mit un temps anormalement long à totalement disparaitre.

J'ai bifurqué de mon trajet. J'avais spontanément décidé de ne pas retourner travailler.
Une frénésie d'achats compulsifs de vêtements de luxe, de gadgets de haute technologie. De l'inutile et du clinquant. Je tapais presque du poing les chiffres du code de la carte. Toujours plus.

Je suis juste arrivé à l'heure à la soirée. J'avais écrit mon nom dans du béton frais, peu avant.

Je ne pouvais plus mourir, alors.

Je n'avais rien à leur dire. Je n'avais pas de cadeau pour la maîtresse de maison et je m'en foutais franchement. J'avais bu un peu avant déjà, ces automatismes tellement bien réglés, ces rituels instinctifs. J'ai encore bu, la bête se tenait presque calme. Je crois que j'avais envie de pleurer.
J'ai bu tout ce qui passait à portée de main, ma voix s'éraillait progressivement.

Et je suis enfin parvenu à tout oublier. Un blanc de trois heures. L'oubli. Enfin.

Aucun souvenir, à part peut être avoir voulu trancher la gorge d'un des convives avec le couteau à gateau que je tenais à la main, parcequ'il me semblait qu'il avait manqué de respect à mes cheveux.

Au réveil, ce matin, en sueur, après des rêves agités de mer et de noyade, je me suis retrouvé recroquevillé dans mon costume fripé de la veille, par terre, au pied du lit.
Quelques traces de sang séché sur mon pantalon. Le goût du sang dans ma bouche.

Chercher querelle à la terre entière.

Mais j'avais à présent une certitude limpide.
Je savais comment cela avait commencé Mercredi dernier.

C'etait à la lecture de cette petite bande dessinée dans le Charlie Hebdo de la semaine.
Elle était indécellable pourtant, tapie dans un coin de page, entre deux articles culpabilsants.
Dans une courte histoire de psychanalyse, un des personnages posait la question suivante :

"Avez vous le sentiment d'exister, Monsieur ?"

J'ai pris une douche, j'ai commandé un billet pour les Caraïbes.




2 Comments:

Raf : je te remercie, ça me touche. J'espère que nous pourrons chroniquer longtemps ensemble.

J'en ai profité néanmoins pour virer le rédacteur roumain qui me servait de scribe, j'ai l'impression qu'il m'arnaquait un peu.

FP : Je peux également avoir le goût des femmes lascives en tailleur stricte ? Steuple ?

By Blogger Découper selon les traits, at 9:36 AM  

J'ai également viré le yougoslave qui corrigeait les erreurs en première lecture.
Dorénavant, je ferai mes fautes moi-même, sans l'aide de personne.

By Blogger Découper selon les traits, at 11:33 AM  

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