10.2.05

Autocritique, une rédaction.

Quand j'étais petit, j'étais assez curieux de savoir quelle tête je pourrais bien avoir en l'an 2000.
Le cap millénariste était pour moi une étape phare, un relai décent qu'il serait important de bien négocier.

Je n'avais pas d'idée particulièrement précise de ce à quoi je pourrais bien ressembler, mais je me voyais grand, blond comme les blés avec une coupe au bol, portant des costumes de bandit.
Une sorte de suédois caricatural.
Je m'imaginais plutôt à l'aise dans ma vie, sûr de moi, déterminé dans mes choix, avec des amis qui me respecteraient malgré ma barbe rebelle de trois jours.
Avec une voiture volante.

C'était un véritable objectif, un clin d'oeil que je m'adressais dans le futur.
Rendez vous était pris avec moi-même et les monde des grands.
Ce n'était pas obsédant, non, c'était juste une borne dans le temps, chaude et rassurante.

Quand j'étais un peu moins petit, je m'étais dit qu'une bonne limite pour se marier et avoir des enfants, ce serait trente ans.
Il me semble que ma cousine m'avait fait un peu douter lorsqu'elle m'avait dit qu'elle pensait que trente cinq ans était une bonne limite, qu'on n'avait jamais assez de temps pour s'amuser et profiter de la vie, qu'on aurait tout le temps plus tard de devenir serieux.

Et puis, le temps de faire quelques pas d'une danse un peu idiote, de taper dans ses mains et d'embrasser sa cavalière, l'an 2000 était là.

J'avais gravi une montagne et d'en haut, je contemplais fièrement la plaine à l'horizon.
Enfin presque.
En fait, il me semble que, chemin faisant, les prises étaient devenues de moins en moins assurées. J'étais parvenu à une position tellement instable que je ne pouvais que me préparer à une jolie chute molle et vertigineuse.

J'étais gentiment en train me casser la gueule et je souriais bêtement.

Je commencais à présenter quelques signes d'alopécie légère, on allait bientôt compter la première poignée de cheveux blancs.
J'étais en train de méthodiquement foirer mon hypothétique mariage, je trouvais ca assez rigolo. J'avais une maîtresse et pas la moindre once de scrupule. La traversée du désert n'en sera que plus arride.

Une chaussure du bon docteur Martens m'avait irrémediablement déplacé la cloison nasale, me donnant ce timbre légèrement nasal désormais caractéristique qui fera tant rire les enfants et les fans de Bob Dylan.

Je commencais à dormir très peu. je me réveillerai désormais toutes les nuits vers quatre heures du matin, mu par une mécanique imperturbable.

Dans mes bons jours, je descendais environ une bouteille de Martini, j'en possédais toujours un exemplaire de secours dans ma voiture, en cas de coups durs. Ils seront, comme par hasard, fréquents.
J'avalais des médicaments dont je n'étais pas très certain de la composition. Ca me calmera. Trop peu.
J'accusais une bonne quizaine de kilos en trop, je portais des chemises à fleurs, ouvertes.

Je m'endormais dans mes vêtements à peu près partout où il était possible de s'affaler. Je me rappelle m'être réveillé la tête contre une enceinte, un soir, dans un baloche de village.
Je ne me souciais plus trop de l'image sociale que je renvoyais.
Environnement social qui avait tendance à me faire dégobiller de plus en plus souvent au propre comme au figuré. Il me le rendra bien, en me plantant dans le dos tout ce qui pouvait passer à portée de main.

J'étais menteur, vénal, obsédé, égoiste, lâche.
J'étais con et prétentieux.
J'étais fatiguant.

Je me barrais à New York, enfin, je fuyais à New York plutôt, dans l'espoir de commencer une nouvelle vie, vierge d'un casier qui commencait à se remplir un peu trop rapidement à mon goût.
Escapade outre-atlantique qui se soldera par un échec plus que retentissant.

Surprenant.

Il me semble que je tendais assez fièrement le majeur en direction du petit garçon que j'étais, un peu par provocation, un peu par gêne de ne pas être à la hauteur de ses espoirs naifs.

Ah si, quand même, je connaissais deux trois conneries en suédois.

Le temps de faire une petite révèrence, de changer de cavalière et de taper à nouveau des mains, cinq années ont passé.

Les choses se sont tassées.
J'ai digéré ce qui était comestible, j'ai recraché ce qui ne l'était pas.
Une fois qu'on s'est ramassé, théoriquement, on ne peut pas tomber plus bas.
J'étais prêt pour une nouvelle serie de conneries.
On ne devient jamais vraiement bon que quand on est on est pris à la gorge.
Cinq années viennent de passer.

Me voilà pourtant en train de vomir d'une traite
cette période au premier inconnu venu.
Je suis dans un restaurant, un repas informel avec des consultants dont je confonds les prénoms.
Ca sort d'un coup, spontanément, alors qu'on compare un peu nos parcours.
Je presse entre mes deux doigts et tout se répand. J'éclabousse.

La maïeutique par les penne rigatte arrabiata.

Je parle et je ne m'arrête pas.
Les mecs ne savent pas trop comment le prendre, mi amusé, mi paniqué.
Peut être pensent ils que je vais sortir un semi automatique de mon sac ?

Je parle avec une certaine nostalgie, mine de rien.
C'était l'année de la voiture volante.
C'était mon rendez vous, quand même.

Mine de rien, cinq ans ont passé, et à part un bronzage irréprochable hiver comme été, des costumes pas trop mafieux et une barbe de trois jours, je ne vois plus trop quel était le nouveau jalon que je m'étais fixé.

Quand était donc ce rendez vous où je devais retrouver ce sympathique branleur ?
Je n'en trouve aucune trace nulle part.
Ca ne m'étonnerait pas qu'il m'ait fait un faux plan.

Et que ça l'ait fait marrer en plus, ce con.



3 Comments:

pourquoi est-ce qu'à 35 ans , on se met à repenser au môme qu'on était ? c'est bizarre, C'est moi aussi un truc qui m'arrive en ce moment.

By Blogger smithee, at 10:30 AM  

Je commence à me demander ce qui est le plus exact du jugement qu'on fait de sa vie passée ou de l'image qu'on projette dans son avenir. Foutredieu, ce que je peux détester les regrets !

By Anonymous Anonyme, at 4:30 PM  

Je crois que c'est depuis que j'ai Cartoon Networks, je me fais une crise de jeunisme.
Hier, je repensais au yoyo coca cola qui tournait dans son axe.

Pas de regrets, non, juste faire un petit tas de cailloux sur le bord du chemin pour ne pas oublier le trajet accompli.

By Blogger Découper selon les traits, at 10:14 PM  

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