22.3.05

Téléphone,maison

Je n'ai pas réalisé tout de suite, mais j'ai bien l'impression que je me suis trompé d'avion, à mon retour.

Vous savez ce que c'est, rien ne ressemble plus à un avion qu'un autre avion.
C'est gros et plein de cons, ça sent le désinfectant, et une fois qu'on a bien vérifié qu'on était pas au nouveau show hebdomadaire de Monseigneur Vingt Trois, on croit naïvement s'embarquer dans un avion. Pourtant les choses sont moins simples que celà.

Alors voilà, histoire de tuer le temps, on s'installe au comptoir du bar de l'aéroport, bien décidé à épater les hôtesses de lufthansa en ouvrant sa chemise sur une poitrine velue et bronzée.
Et puis, entre deux mignonettes d'alcool fort à 35 euros l'une et un bourre pif amical mais ferme de Gertrude du LH604, l'attention devient quelque peu diminuée, le temps file, file, on se retrouve d'un coup à courir après une file d'imbéciles heureux aux sourires niais et au lieu de s'embarquer direction Orly, France on se retrouve embarqué pour une autre direction obscure.

C'est amusant, les longs courriers, finalement.

Des vieux les mains chargées de sacs en plastiques gavés jusqu'à la gueule qui réclament l'oeil trempé de frustration une deuxième ration molle de boeuf bourguignon collant et qui réveillent méthodiquement des bambins rougeauds pour les faire pleurer à heures fixes. En ce qui concerne les allégations douteuses sur mon supposé excès de bave durant mon sommeil sur l'épaule de mon bobo de voisin, je m'inscris en faux, je l'incommodais beaucoup plus avec l'odeur de mes chaussures.

Dix heures de chiropractie pour débutants et un élan wojtylasque d'embrassade de tarmac graisseux plus tard, le commandant de bord étant en plein dans sa période "frein à main sur parking Franprix", et me voilà dans un taxi en route pour ce que je prenais à tort mes pénates promises.

L'ennui, avec ces cités postmodernes mangées par le capitalisme débridé, c'est que la méprise ne saute pas immédiatement au visage.
A force de vendre partout les mêmes produits, dans un souci fort légitime d'optimisation de goûts trop divers pour être rentable, les signes distinctifs d'appartenance à une éthnie précise ont depuis bien longtemps fondu comme des glaçons sur le caleçon du premier péquenot égaré au Paris Folies un soir de salon de l'agriculture.

Mêmes centres villes, mêmes chauffeurs de taxi à moustache, mêmes cureurs de nez au feu rouge.

Certes quelques changements auraient pourtant pu me mettre la puce à l'oreille, mais on se surprend à penser que la vigoureuse politique gouvernementale, mâtinée d'apreté au travail et de respect humble des valeurs républicaines, porte finalement ses fruits et que la France dans une même aspiration de lendemains qui chantent s'est enfin décidée à retrousser ses manches et bouter vers des contrées à bas taux de main d'oeuvre le sinistre héritage laissé par les bolchéviks putchistes.

Disparu l'élément exotique de bureau qui rigolait bêtement, mais rien ne ressemble plus à un coturne de travail qu'un autre dépressif aigri.
Résiliée la ligne de téléphone, mais, de toutes façons, je n'ai plus le droit, sur injonction expresse du tribunal, d'appeller en haletant tout élement de sexe féminin de moins de quarante cinq ans.
Dissimulées les bites gravées à la clef dans l'ascenceur, mais je suis depuis passé au feutre indélébile, plus prompt à exalter mon art.

Et pourtant, au fil des jours, il faut bien se rendre à l'évidence.
Je ne suis pas chez moi.
Ces éléments vaguement familiers autour de moi ne sont pas les miens.
Je suis Ailleurs, je suis tel le pêcheur d'Islande, nappé d'un brouillard tenace rendant les formes anonymes aux alentours semblables à mon intimité.
L'amical bourre pif était donc bien plus leste qu'on aurait pu l'imaginer. Cet endroit ne peut définitivement être celui qui fait tant tinter mon heimat lors des lointaines veillées avec des marins russes suicidaires.

Des preuves ?

Par exemple, mes cheveux sont içi plus longs.
Alors que d'ordinaire, ils sont beaucoup plus courts.

Qu'est ce qu'il vous faut de plus ?

J'avais plus d'argent sur mon compte, beaucoup plus.
Avant mes vacances, j'étais un jeune requin, cousu d'or, à qui la Fortune offrait son plus beau sourire Aquafresh Pure White.
A présent, je suis à la tête d'une somme ridicule, que le fisc s'apprête à rendre encore plus exsangue.

Encore une preuve ?
J'en ai une.

Imparable.

Figurez vous que des gens qui se prétendent de mes amis, et ne sont, très certainement, que des vils escrocs est-européens en quête d'une hypothétique malversation financière à faire auprès d'un pauvre voyageur égaré en déshérence, se plaisent à affirmer à qui ne veut pas l'entendre, que sous le discutable prétexte d'abus antérieurs de substances psychotropes, ils se retrouvent à présent en charge d'un nouvel inactif rougeaud, futur ingrat joueur de guitare vraisemblablement pédéraste.

Jusque là, on ne peut que ricaner que sur cette infortune qui les accable et les tancer vertement de n'avoir respecté les sains préceptes énoncés dans tous les plannings familiaux prompts à éradiquer une surpopulation galopante et rendre le pays encore plus compétitifs.
Là où le bât blesse, que la chevillette cherre et que le Fogiel phosphore, c'est que ces sociaux traîtres n'ont rien trouvé de plus productif que de m'annoncer l'air béat d'autocontemplation stupide qu'ils m'avaient désigné parrain de cette viande braillarde qui sent le caca chaud.

Je rêve. Pincez moi.

Moi, Parrain.

Pour faire un exemple et sur le coup de la stupefaction, j'ai néanmoins vidé ma part de forêt noire dans le pantalon du père, à tout hasard. Comme ça, le deuxième, il sera chocolat.
Après m'être enquis de la légalité d'un tel procédé et du coût global de l'opération, il ne me reste à présent plus qu'une seule et unique solution.

La fuite.

Je suis, donc, en quête une bonne âme charitable qui serait disposée à me prêter main forte pour que je puisse retrouver mon lieu d'origine et ainsi mettre fin à ce cauchemar éveillé.
Ca ne doit pas être bien loin, c'est un endroit où j'ai les cheveux courts, plein d'argent sur mon compte en banque et où je ne risque pas de voir débarquer un jour un boutoneux pédéraste joueur de guitare, en pleine crise d'adolescence.

Putain, Parrain.

Je me vois bien, tiens, avec du coton dans la bouche et de la gomina dans les cheveux.



1 Comments:

C'est vrai que je suis déjà moins bougon :) Faut croire que tout corps plongé dans l'eau en ressort beaucoup beaucoup plus détendu.
Cheers.

By Blogger Découper selon les traits, at 11:56 AM  

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