2.5.05

Cette sensation s'appelle ?

Soumis à la dynamique pression émulatrice des délais intenables et presqu'autant dépassés que la date limite de péremption des yaourts qui trônent dans mon frigo, chacun d'entre nous réagira différement.

Certains, avec l'auguste dignité de l'orchestre du Titanic, sauront faire preuve d'une détermination sans faille et abattront, la machoire serrée et l'air mauvais, la forêt touffue qui les sépare de la sainte Prime Sur Objectif.
Cette race de gagnants, rare mais qui perdure en quelques endroits épars, force l'admiration de ses congénères et leur légende est perpétrée de stage de remotivation en séminaire de ventes.

D'autres, forcément de médiocre composition, acculés de tous les côtés par une horde en furie de mécontents paniqués, adopteront prestement une position foetale, lovés sous leurs bureaux, en composant en pleurs le numéro de téléphone de leur sainte génitrice ou apparentée.

N'ayant que relativement peu la pied marin et la main verte, et comme la prison haute sécurité pour femmes n'accepte pas les appels longue distance, je ne peux malheureusement me résoudre à adopter l'une ou l'autre de ces solutions. J'ai bien essayé de me cacher sous un bureau, mais la seule chose que je suis parvenu à récolter, c'est une assignation au tribunal pour harcèlement sexuel de la part de la secrétaire.

Je me souviens encore avec émotion de ces périodes de grosses bourres qui égayaient mon quotidien de jeune niais plein d'ambition, enthousiaste que j'étais d'accumuler des charettes de 35 heures pour la seule gloire du Grand Capital et des Options non convertibles.
Voir au petit matin, hagard, le soleil se lever depuis les bureaux d'affaires avec le sentiment de participer à quelque chose de Grand me poursuivra longtemps dans mon Panthéon Personnel de la Connerie.

Quelques plans de licenciement et de rayures de voitures à coups de clefs plus tard, j'ai finalement appris à adopter un comportement un peu plus modéré vis à vis de ces mécaniques implacables.
Il faut dire qu'à 23/11, les médecins étaient souvent enclins à me conseiller comme principale thérapie une bonne rasade d'alcool durant les pauses cafés au travail. Depuis, en cas de pression forte, je sais immédiatement dénoncer les employés en CDD et les cadres en fin de carrière comme uniques responsables des fiascos en devenir et tout se passe beaucoup mieux.

Il n'empêche, on ne lutte que très difficilement contre ses vieux démons, et il m'arrive parfois de ressentir le long de l'échine une petit frisson d'excitation quand il s'agit de rendre pour hier ce qui ne pourra commencer que la semaine prochaine, au mieux.
Ne pouvant avoir recours à des solutions poudrées, puisque je place tout mon argent en vue de mon futur pontage coronarien, j'en suis réduit à me satisfaire d'une grande consommation de boissons gazeuses rares et exotiques.

Voyez y là sûrement la sourde propagande télévisuelle qui matraque au fil des décennies le succés assuré au golden boy à bretelles qui mènera sa négociation avec les chinois une canette de soda à la main. Celui ci pourra taper victorieusement dans la main de son camarade de bretelles et embrasser la dame pipi au passage.

Sous réserve que l'emballage soit original et suffisament voyant, je pense que je pourrais boire de la soupe Campbell par litres.
Plus la pression est grande et plus le nombre de palettes de boisons consommées est important. Par prévoyance, lorsque je trouve des produits inconnus, j'en achète un nombre conséquent et je les stocke astucieusement dans les conduits de climatisation afin d'en assurer la fraîcheur désaltérante.
On devient ingénieux avec les éléments du quotidien quand on en a pris pour longtemps.

Or, qui dit deadline plus dead que line, dit donc grosse consommation et réserves qui fondent à vue d'oeil, les marques exotiques qui se succèdant les unes après les autres. Rien de bien extraodinaire.
Un sacré entrain néanmoins à bosser ce jour là. Je prends des notes illisibles certes, mais je ne les relis jamais en général.
Les heures s'écoulent, toujours animé d'une pêche d'enfer, je fais tomber une pile de dossiers malencontreusement, je secoue la tête frénétiquement, je manifeste beaucoup trop bruyamment ma joie lorsque je réussis un panier dans la corbeille à papier. Je suis tellement en pleine forme que je suis incapable de me concentrer correctement, je relis toujours le même paragraphe sans trop m'en rendre compte.
C'est quand je me mets à taper frénétiquement sur mon moniteur car il me donne l'impression d'être possédé par des esprits voulant communiquer avec les vivants que je me rends compte que la gêne occasionnée vient en fait d'une légère palpitation de la paupière.
Une sacrée patate, mais largement le signal d'aller faire une petite pause soda clope afin de décompresser cinq minutes.
C'est en me levant que la boule de panique sourdement tapie dans mes entrailles s'est mise à faire des siennes largement plus qu'à l'accoutumée. Dehors, mes mains tremblaient de façon notable et je traçais nerveusement de mes cent pas des petits cercles, en tirant fièvreusement sur ma cigarette, sur mes cigarettes, sur mes cinq cigarettes.
Quand je me suis mis à lâcher, tel un malade atteint du syndrome de Tourette, une salve d'injures sans raison particulière, je me suis bien douté qu'il y avait quelquechose d'inhabituel. Et c'est en consultant la composition de la canette que je tenais alors dans la main, que l'affaire m'est apparue dans son ensemble :
je venais de passer la journée à engloutir des energy drinks gorgés de caféine, en plus des quelques cafés serrés habituels.

Je ne suis pas un gros buveur de café en temps normal, je fais même partie de ces gens qui ont du mal à dormir s'ils consomment de la caféine après 16 heures.
De fait, se boire l'équivalent d'une dizaine de cafés bien costauds est une expérience plutôt originale à vivre, pleine de tics, de tremblements et de mouvements brusques.
En tout cas, celà m'a permis aisément d'éviter le coup de pompe du début d'après midi, de fin de journée, de début de soirée, de fin de soirée et de début de la nuit.

Dire que je n'étais même plus au boulot pour profiter de ce regain d'énergie, occupé que j'étais à me retourner encore et encore dans mon lit à chercher le sommeil.

Qu'on ne vienne plus jamais me parler de chinois à bretelles.



3 Comments:

en même temps c'est moins cher que d'la coke... t'y gagne

By Anonymous Anonyme, at 6:11 PM  

Pour rajouter un peu d'intérêt, j'ai également arrêté de fumer. Donc, entre le sucre des sodas et l'arrêt de nicotine, je vais ressortir les chemises à fleurs de Carlos, en prévision.

By Blogger Découper selon les traits, at 11:45 PM  

je savais bien que t'avais une tête de terroriste

By Anonymous Anonyme, at 10:21 PM  

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