8.5.05

Things, they are a'changing

J'ai toujours été admiratif des gens qui avaient la capacité de tout changer sur un coup de tête.

Vous savez bien, ces gens qui, suite à un trop plein quelconque (trop de patron, trop de télé, trop de points bêtement manqués par l'OM dans les dernières journées du championnat), savent trancher le problème dans le vif et décident subitement de passer à radicalemnt autre chose, afin d'être plus en harmonie avec leurs principes fondamentaux et laisser parler cette petite voix en eux qui leur dit "viens !".

Ils foncent droit devant eux, le regard fixé à l'horizon, avec la certitude des lendemains qui chantent sans patron, ni télé, mais avec l'OM qui continue à bêtement rater des points faciles.

Parfois ces gens, portés par l'intime conviction de leur renouveau révolutionnaire, interviennent directement dans votre vie, du haut du bien fondé de leurs principes. Ils sont là pour vous aider à passer le cap de votre propre pusillanimité, grâce à leur bienveillante illumination qui vous permettra de vous diriger le long de votre obscur devenir.

Dans les films, c'est en général une jolie femme (notez que c'est un exemple pour homme, je n'ai pas eu le temps de piocher l'équivalent dans 20 ans), un peu bohème sur les bords, qui débarque dans votre vie pile au moment ou vous avez lamentablement foiré votre nouvelle campagne de comm' en faveur du Oui à la Constitution Européenne et qui avec sa philosophie originale de la vie, lira en vous comme dans un livre ouvert et vous aidera à la fois à enlever la cravate qui vous étouffe, dire merdre à votre à votre patron à moustache et adopter des petits chiots avec une tâche rigolote sur l'oeil qui penchent la tête en couinant.
Comme elle vous connait déjà par coeur, elle se laissera sauter sans trop de problème, en donnant l'impression de trouver ca vraiment agréable et n'insistera pas ensuite pour se faire payer une bague trois ors.

Dans la réalité, c'est en général une fraîche célibataire dont la séparation est encore douloureuse et qui, dès le premier baiser de convenance échangé, vous jettera toute sa désespérante solitude au visage tout en se sentant obligée d'entamer avec vous une conversation sérieuse sur le bien fondé de votre relation et sur toute la pertinence qu'il y a à emmenager dans votre home douillet, les valises sur le pas de votre porte un soir de Milan-Eindhoven.

Je dois avouer que je me suis très longtemps persuadé qu'un jour, une grande étudiante israélienne rousse en physique nucléaire viendrait me chercher pour que nous allions tous les deux vivre dans un kibboutz et louer les avantages de la communauté auto-gérée.
Hélas comme je suis malade en avion, je n'aurai jamais pu me résoudre à faire pousser des oranges par 45 degrés à l'ombre.

Je suis néanmoins admiratif, principalement parceque je crains d'en être purement incapable.

Moi aussi, j'aimerai quitter un beau jour mon bureau après avoir enlevé mes chaussures en cuir crouté, et partir, triomphant sous les vivas des forçats de l'open space, retaper une baraque dans le massif central avec ma compagne à cheveux roux qui vendrait des pierres revitalisantes.

Très sincèrement, je voudrais être en mesure de le faire.
Tous ces gens qui prennent des congés sabbatiques, montent des projets, prennent des initiatives, rient insouciants dans les diners mondains, ont des avis sur ce qui a du sens dans ce monde, savent ce qu'ils veulent au buffet gratuit du Novotel.

Moi je suis là, le rouge au front dans mon costume étriqué de provincial, tordant entre mes mains mon bérêt rapé, ne sachant pas trop quoi faire de mes pieds gourds.

Je passe à côté de ma vie, je le vois bien.

Et quand je me décide enfin, il ne reste plus que de la salade de pâtes au buffet, que je mange honteusement, de peur qu'on ne réalise la forfaiture.

Mais, bon sang, je m'efforce de changer !
Un jour moi aussi, je m'exilerai élever des animaux dans une logique économique solidaire.
sous une fausse identité, après avoir abattu le plus grand nombre possible de personnes avec un fusil d'assaut sur mon lieu de travail.

Prenez hier soir, par exemple.
C'était la fin du monde.
On ne réalise pas bien, comme ça, mais c'était vraiment la fin du monde.

En effet, la moitié de la ville était privée de courant, et nous étions dehors, dans le noir, à errer dans le naïf espoir de trouver un établissement qui soit en mesure de nous servir de la nourriture.
Et quand je parle de nourriture, j'entends quelque chose qui puisse être digéré sans provoquer d'intoxication alimentaire suite à une rupture impromptue de la chaîne de froid.

Voilà donc bien une opportunité de prendre sa vie en main et de faire preuve d'un esprit d'à propos.
Une ville à moitié dans le noir, c'est un avant goût de notre suffisance technologique, de notre fragilité de société post moderne.

Plus de moyen électronique de paiement, plus de réfrigération, plus de climatisation, plus d'ascenceurs, des relais téléphoniques saturés, plus de télés, plus de musique.

Des bougies de partout, des gens mangeant dans la pénombre, les sirènes des secours qui crient dans le lointain. C'est dans ces situations là qu'il faut savoir agir et réagir en conséquence.

Devant ce recul du monde moderne et craignant d'éventuelles émeutes, je formule l'idée, tel un maximo lider galvanisant ses troupes, de changer de quartier afin de retrouver la Sainte Electricité et enfin pouvoir souper décemment, par exemple dans ce restaurant sympa que je connais et qui ah, ah, youpi, apparement, n'est pas touché par cette panne généralisée de courant, me dit on au téléphone.

Je vois l'admiration dans le regard des femmes, je vois la crainte de celui des hommes.

Je suis l'Homme du Changement.
(L'Homme du Moment étant une marque déposée)

Nous brisons la routine et nous foulons d'autres territoires.
Des pionniers du nouveau monde.

En parlant d'absence de climatisation, je tiens à témoigner de cette image terrible.

Celle d'un bar qui encourage les rencontres entre célibataires, et qui, une fois privé de ses artifices réfrigérants, se voit alors contraint d'exhaler par toutes ses fenêtres sa moiteur emplie de phéromones de jeunes cadres vaguement dynamiques en sueur, et qui suinte, dans une silence subitement dévastateur, toute sa vacuité.
Je ne sais pas si je suis clair, mais ce n'était vraiment pas beau à voir.

Nous voilà donc arrivés devant le dit restaurant, qui brille de mille feux dans ce désert électrique.
Le nouvel Eden.
Il est curieusement plein, mais qu'importe, nous entrons, affamés, épuisés, bien décidés à ne repartir qu'après avoir fait subir les derniers outrages à la carte des mets et éventuellement à la serveuse d'Europe de l'Est qui ne sait aligner que trois mots, dont Bolkestein et Plombier.

Nous sommes installés, nous sommes bien.
Je trône en bout de table, je suis le Mâle.

Et puis, des femmes se lèvent.
Elles ont du sentir mes phéromones viriles qui doivent se diffuser à travers la salle malgré moi. Qu'importe, je suis prêt à toutes les recevoir.

La lumière se tamise.
Elles sont toutes vêtues à l'identique.
Chemises bariolées du drapeau américain, chapeaux et bottes texanes.
La musique augmente. De la country.
Les femmes se mettent à danser.
La chorégraphie est approximative, c'est de la danse américaine, du line dance.
Les gens hurlent, applaudissent, sifflent.
Il commence à faire moite. Nous sommes interdits. Frappés de stupeur.

Et puis la révélation.

Le restaurant est texan, certains soirs des groupes de danse américaine viennent faire des démonstrations.
Nous sommes là, au milieu d'une mer de fans texans en furie, en train d'assister a ces danses interlopes.
La faim chevilée au ventre. Incapables de fuir.

Et nous voilà contraints de taper des mains en cadence avec des fans de Johnny Halliday devant les ballets de blondes à choucroute en chapeau texan.

Ca avait du bon, finalement, le black out généralisé.

Je vais attendre un peu, la prochaine fois que je me décide à conduire des brebis égarées à travers le désert du Sinaï.



4 Comments:

....
T ES ALLE AU TEXAS TRUCK ?

By Anonymous Anonyme, at 11:00 AM  

pourtant je te vois assez bien chantant " yes-yes and the magic stones"de Dolly Parton enfin moi j'dis ça ... j'dis rien ;)

By Anonymous Anonyme, at 11:19 PM  

je dois avouer que j'ai du mal a dire non a une femme avec des bottes de cowboy.

mais je me soigne

By Blogger Découper selon les traits, at 11:14 PM  

D'un autre cote, est ce qu'on a vraiment envie de se faire soigner, telle est la question

By Blogger Découper selon les traits, at 10:40 PM  

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