9.1.06

Ideal standard

l'eau est froide depuis bien trop longtemps mais je n'en ai pas conscience.
L'important est ailleurs, dans les parcelles de peau morte qui se détachent.
Je ne ressens plus cette sensation glacée tant mon corps me brûle.
Rester sous la douche autant de temps qu'il sera necessaire.
Autant de temps qu'il me faudra pour se defaire de ce parfum lourd, de cette douceur léchante.
Frotter jusqu'au sang pour faire peau vierge.
Purifier à grands coups de crin.

A vrai dire, je ne l'ai pas remarquée tout de suite.
Tout juste ai-je buté sur son regard insistant, comme on bute sur le demi-ton au dessous d'une partition maintes fois jouées.
Un petit détail agaçant quasi imperceptible.
Un bout de chair entre les dents.

Je m'étais résolu face à l'hiver piquant à opter pour une barbe naissante, une coquetterie pileuse oubliée depuis une grosse poignée d'années et dont le roux sombre exaltait franchement ma judéité.
C'est comme celà qu'elle m'a reconnu, apparement.
Par cet exotisme subtil.
Il n'est pas interdit de ricaner.

Elle dont les talons vernis rythmaient les longues heures passées à étudier des modèles économiques teintés de libéralisme enjoué.
Sa poitrine aux seins lourds qui accompagnaient ses mouvements de main prenant des notes.
Ses cuisses gainées de nylon juste assez apparentes pour y prendre garde.
Ses pipes rapides à la lumière faiblarde de bouges entre deux portes battantes.
Cette vulgarité pompière échappée d'un roman érotique à pseudonyme, le genre qui fait bander dur les représentants de commerce égarés dans un hotel de province, lorsque la chaîne porno est en panne.
Cet abandon candide dans la luxure comme visa pour le bonheur Ikea.

Difficile au premier abord de faire le rapprochement avec cet expert comptable au sourire millimétré, portant un tailleur de sous marque et du doré un peu terne, ses lèvres trop rouges crachant des mots pompeux dignes de séminaires de reconversion pour cadres fatigués.
Qui pouffe aux plaisanteries de ses amis dentistes.

Difficile d'admettre qu'effectivement le temps ne passe rien, que le déclin n'est qu'une question d'instant, qu'il se complait à balayer d'un souffle la fragile alchimie des phéromones.
Sentir la poudre des dernières cartouches.
Remarquer le juste trop de fond de teint.
Les artifices usés d'un magicien d'anniversaire d'enfants.
Difficile pourtant de ne pas prêter attention aux cuisses gainées de nylon juste assez apparentes.
De ne pas faire son numéro de vieux beau à grands coups de yeux mi clos, la voix un demi ton plus grave.
De ne pas se retrouver dans le même lit.

Butch Cassidy et le Kid face à l'armée mexicaine.

Et puis faute de tonnerre de feu, s'emmerder.
Longuement, lourdement.
Douloureusement.
Au point de saisir les détails du Trop.
Prendre en plein visage toute la misère affective de la scène.
La décoration en toc.
Les cris surjoués.
Les photos familiales.
Les gestes un peu trop mécaniques.
La carte d'abonnement au club de sport.
Le doigt dans le cul.
Les étagères vides de livres.
Le parfum entêtant aux fragances synthétiques.
Le motif textile de petit chien.
La partition pornographique jouée juste un demi-ton en dessous.

Penser aux pharaons égyptiens qui cousent des scarabés vivants dans les yeux décavés de leurs opposants.
Penser à une fracture ouverte.
A une tumeur maligne.
A des vacances avec ses amis dentistes.
Penser à se raser.
Filer avant de devenir violent.
Avant qu'elle ne m'appelle par un surnom.

Constater, dans les vapeurs de la salle de bain, que la marque du pommeau de douche s'intitule Ideal Standard.
La force du détail en quelque sorte.



13 Comments:

La projection dans le futur n'aura toujours que la forme que tes névroses voudront bien lui donner.

Merde ... c'est bon (Le texte, pas les névroses)

By Anonymous Anonyme, at 11:32 AM  

Reviens chéri, j'ai changé de plomberie...

By Anonymous Anonyme, at 8:42 PM  

Mes Amis !!
Dans mes bras !!!
Restez !!!
on va jouer a Donkey Konga !!!
Tous ensemble sur neun und neunzig lüftballon !!

By Blogger Découper selon les traits, at 12:41 PM  

Mode Expert alors, hein.
Non parce que tu as pu constater l'aisance avec laquelle je maitrise ce jeu.
Je te sais jaloux d'ailleurs.
Je suis la reine du Donkey Ko... ok j'ai rien dit.

By Anonymous Anonyme, at 12:23 PM  

j'ai hâte d'interprêter loosing my religion aux bongos, mine de rien

By Blogger Découper selon les traits, at 12:26 AM  

Vivement qu'on soit riches.
Y'a des championnats mondiaux de Donkey ?

By Anonymous Anonyme, at 10:24 AM  

J'ai dit tout fort ce que j'en pensais, sans faire exprès, en lisant ta chute : "putain c'est beau !" d'un ton presque agacé et un sourire accroché au coin droit. :)

By Anonymous Anonyme, at 7:39 PM  

Toi hein, du moment que ca parle de cul, hein

By Blogger Découper selon les traits, at 12:13 AM  

Déjà vu. Et si à présent, tu te mettais à sa place à elle ? Fais nous voir un peu ton style.

By Blogger Miss_Blandish, at 10:48 PM  

Même avec la meilleure volonté du monde, douché, brossé et rasé de frais, je ne comprends pas le sens de ce message.

Mais avec un peu de travail, je suis certain qu'on peut caler "fais nous voir un peu ton style" sur l'air de "allez montre nous donc tes fesses"

By Blogger Découper selon les traits, at 9:18 AM  

Ton style d'écriture. C'est très agréable de te lire.
Mais est-ce que tu es capable d'écrire la même histoire de son point de vue à elle ?
Tes fesses m'intéressent un peu moins. Je préfère les bruns très poilus.

By Blogger Miss_Blandish, at 4:15 PM  

ah
pour tout te dire, son point de vue ne m'interesse pas particulièrement

By Blogger Découper selon les traits, at 10:08 AM  

Mouai. En plus on peut douter qu'elle sache écrire, puisqu'elle ne sait pas lire.

By Blogger Miss_Blandish, at 4:42 PM  

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